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vendredi 31 janvier 2014

Haïti à la conquête de l’Afrique ( Par Belmondo Ndengué)

Un rêve héroïque que les observateurs assimilent à une  aventure ambigüe
Quand Haïti obtient le  statut d’observateur à l’Union Africaine en 2012, la nouvelle surprend les uns et séduit les autres.  « C’est un  retour au pays natal », murmurent les intellos de tout poil, dans les capitales africaines. En Haïti d’aucuns parlent de gesticulation diplomatique.

Les plus méticuleux y voient une preuve de maturité  pour un pays qui, malgré l’éloignement et les illusions de ses élites,  n’a pas oublié son passé. Sa négritude et sa genèse.

Mais  les autorités haïtiennes – toute époque confondue- souvent tentées de foncer tête baissée vers le continent  noir, ont  toujours à peine voilé leur  indifférence à l’endroit des membres de la communauté africaine vivant sur leur sol.
Les séjours d'Haïtiens en Afrique, surtout au Congo d’alors (RDC aujourd’hui) ont créé des unions avec les autochtones. Des naissances d’enfants ont suivi. De retour au bercail après parfois deux ou trois décennies, les parents haïtiens revenaient avec leurs progénitures. 

La mère africaine était souvent du lot, dans certains cas. D’autres idylles afro-haïtiennes ont donné lieu à des familles mixtes sur la terre de Dessalines, le premier Panafricain de tous les temps.

Les Africains marginalisés d’Haïti sont souvent repliés sur eux-mêmes. Ils appartiennent à la société civile et occupent des professions libérales. Ils ont formé - pour les enseignants- de nombreux Haïtiens dans les collèges et les universités du pays pour des salaires de misère.

Sans comparaison aucune avec les sommes perçues au Congo ou au Tchad par leurs congénères haïtiens à l’époque des indépendances. Ces Africains anonymes payent des taxes, sont parfois naturalisés ou pas. Mais ils ajoutent leur grain de sel  à la  machine nationale.

Heureux et bien accueillis dans leur seconde famille,  leur intégration nationale au forceps n’a jamais porté ses fruits dans un pays où ils sont considérés de manière sournoise comme des étrangers par leurs vis-à-vis locaux.

Ceci est vrai pour les cadres de haut niveau, les subsahariens ordinaires établis de leur propre chef et leurs descendants que le destin a incrustés sur la terre des Tainos, Dessalines et consorts.

Depuis deux ans, le gouvernement haïtien active sa machine diplomatique en cherchant à glaner un siège au sein de l’Union Africaine, organisme intercontinental regroupant tous les pays d’Afrique.

La balance finira par pencher du côté d’Haïti. Qui mieux que cette île des Amériques pouvait assumer ce leadership ?  Mais la petite communauté africaine  d’Haïti s’en réjouit à la fois et s’en mord les doigts.

Nombreux sont parmi les personnes interrogées sous le couvert de l’anonymat, dans le microcosme des subsaharien en Haïti, qui s’interrogent.  « Comment les maîtres de Port-au-Prince peuvent  séduire les Africains du continent, quand ils ignorent ceux qui vivent sur leur sol ? »

Dans le passé, des dignitaires comme Sékou Touré de la Guinée Conakry ou Hailé Sélassié d’Ethiopie effectuèrent des visites historiques en Haïti sous les Duvalier. René Préval reste le premier mandataire haïtien  à fouler le sol africain, alors qu’il était en fonction.

L’ex-président  Jean Bertrand Aristide  a passé sept d’exil au pays de Nelson Mandela. Mais de Duvalier à Martelly, jamais dignitaire haïtien a évoqué dans un discours l’existence d’une diaspora africaine vivant sur son territoire.
Le regard des responsables volontiers folklorique se confond avec celui qu’ils jettent sur une frange de leurs propres concitoyens. Les décideurs s’entourent de « nationaux » soucieux de prouver qu’ils sont des africanistes, même avec des notions rudimentaires .

Pourtant sur place, il y a des binationaux et d’autres subsahariens  rompus par les deux latitudes. Ils sont « tribalisés », mis à dessein sous éteignoir par les réseaux de trafiquants d’influence. Leur matière grise est loin d’être entamée.
Ils ne souhaitent que bon vent à tous ceux qui, sans démagogie, se lancent à la rencontre du continent de leurs origines. Là où habitent des cousins et cousines qu’ils ignorent. 

Des relations poussées au niveau politique, économique et culturel sont des atouts indispensables. Mais à fortiori, celles tracées sans tambour ni trompette,  par le destin et l’histoire valent tout d’autant leur pesant d’or.

RTVC

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